PALOMA ...
Casa c'était aussi et surtout PALOMA... Une longue, longue, longue plage, la plupart du temps désertique ... Une plage rien que pour nous. ..Le rêve ! ...
Nous y avions un cabanon ...Et c'était bien le nom qui lui convenait. Il faisait partie d'un ensemble de baraquements que l'armée américaine avait fait construire rapidement et succintement pendant la seconde guerre mondiale. Jugez plutôt : les murs étaient en contreplaqué et le toit, en tôle ondulée, conservait la chaleur de façon phénoménale ! De plus, il n'y avait ni eau ni électricité...Il ne payait pas de mine mais qu'est ce que je l'aimais !
Je ne suis pas sûr qu'il était beau mais quand nous nous nous mettions sur le rectangle de ciment qui servait de "terrasse" (!), nous avions face à nous, à un vingtaine de mètres... devinez quoi ? ... la MER ... resplendissante sous le soleil qui s'étendait à l'infini devant nos yeux !... Une sensation de liberté et de bien-être indescriptible alors m'envahissait...
J'aimais beaucoup quand la marée était haute. Les vagues étaient déchaînées et j'adorais plonger dedans et me laisser rouler par elles ... Lors des marées d'équinoxe, les vagues étaient tellement hautes qu'elles me dépassaient.. Et elles étaient si puissantes qu'elles pouvaient vous déculotter... Elles étaient dangereuses certes mais j'aimais ça ... Inconscience de la jeunesse ?
La mer était glaciale aussi et dès que vous aviez mis les jambes dedans, le froid les saisissait et vous ne les sentiez plus.. Mais après, on s'y habituait et on ressortait de là tonique et en pleine forme ...Je n'aime pas, depuis, les eaux chaudes ...elles me donnent l'impression de nager dans de la soupe ... Ni les eaux calmes comme des lacs, je m'y ennuie ...
Je revois ma grand-mère avec un mouchoir sur la tête pour se protéger du soleil, au bord de l'eau en train de me faire signe de revenir vers le bord, en criant "babeeee, ven aqui ! ven aqui !" : "Babetteee, viens là ! viens là !". Et moi, je faisais la sourde oreille. Alors elle s'avançait dans l'eau, courageuse, la robe remontée, au-dessus de ses genoux si blancs, pour ne pas se mouiller, et venait me chercher . Et je pense qu'elle m'aurait rejointe, méprisant le danger de ces énormes vagues si cela avait été nécessaire... Aussi, prise de remords, je me précipitais pour la rejoindre et l'embrasser. Je finissais ma baignade au bord des vagues où je m'ennuyais mais peu m'importait, ma grand-mère était soulagée et seul cela comptait !...
A marée basse, il y avait le Rocher du Pêcheur d'où mon oncle nous rapportait des sards énormes que ma grand-mère cuisinait à la marocaine avec la charmoula (marinade composée d'huile d'olive, cumin, paprika, oignons, citron et coriandre en feuilles)... Dieu que ce poisson juste pêché une heure avant était savoureux !...
Il y avait aussi une étendue d'eau, entourée par de grands rochers que l'on surnommait pompeusement "la Piscine". Il n'y avait pas pied et nous nous élancions du haut des rochers en faisant des bombes (bras autour des jambes pliées , dos arrondi) et splashhhhhhh... C'était à qui sautait le plus haut avant de s'écraser dans l'eau ! le coeur battait à 100 à l'heure mais l'excitation était la plus forte...Et nous étions heureux .... Etions-nous casse-cous alors !
Souvent, j'allais chercher des moules dans les rochers avec mon oncle. De grosses moules dodues et fermes que nous mangions à l'apéritif. Plus tard, en France, j'ai été très surprise de voir les moules bouchot si ridiculement petites :) comparées aux miennes !
Nous partions aussi à la chasse aux poulpes. Armés, mon oncle et moi, d'un genre de longue brochette avec au bout un crochet dissimulé par un chiffon blanc, nous la passions contre les parois des rochers, dans les trous d'eaux, Les poulpes alors, attirés par ce qu'ils pensaient être une proie, s'empalaient sur notre arme fatale !. Il n'y avait plus qu'à les sortir et à les entasser dans notre seau qui en débordait ! Ma grand-mère, mon éternelle inquiète :), attendait notre retour pour cuisiner sa salade de poulpe si délicieuse... Aux Antilles, on l'appelle le chatrou mais pour moi, il n'a rien à voir avec le poulpe marocain, il est bien moins bon qu'au Maroc ! Et tant pis si je suis chauvine !...
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